dimanche 28 août 2011

Je est-il un autre ou un autre est-il je ?

Mais qui est donc Michael Bellicher ? Lui-même ne le sait plus vraiment, car, le principal protagoniste du roman du Néerlandais Charles Den Tex, "Identité volée" (en grand format aux Presses de la Cité), découvre peu à peu qu'on se sert de son nom, de ses données personnelles, quasiment de sa vie, pour camoufler des actes pas jolis-jolis...




Michael Bellicher pourrait aisément se décrire comme un homme sans histoire. Il est conseiller en communication à Amsterdam au sein d'une boîte qu'il a co-fondée et qui commence à bien marcher. Mais, un évènement va le faire basculer dans l'irrationnel, le kafkaïen : alors qu'il est au volant de sa voiture, le véhicule devant lui est victime d'un terrible accident. Bellicher n'hésite pas, il appelle les secours et attend sur place, pas vraiment optimiste sur le sort des occupants de la voiture.

Mais, au lieu d'être considéré comme un simple témoin, Bellicher se retrouve interrogé comme un suspect. On le transfère même dans une prison sans vraiment lui expliquer le pourquoi du comment... D'interrogatoire en interrogatoire, Bellicher finit par comprendre qu'on le prend pour le propriétaire d'une voiture qui a commis récemment un délit de fuite dans un coin paumé des Pays-Bas. Papiers à l'appui, il se découvre donc (mal)heureux propriétaire d'une BMW qui a jeté à terre un cycliste, dans un état désespéré.

Sauf que jamais Bellicher n'a vu cette voiture, pas plus qu'il ne l'a acheté. Et il ne s'agit pas d'une homonymie malheureuse : les papiers correspondent à son adresse, ses coordonnées, son identité... Bellicher ne le sait pas encore, mais un piège terrible vient de se refermer sur lui.

Car, comment prouver que l'on est bien celui qu'on dit être, sans être ce même homme, accusé de divers actes illégaux. En effet, une fois sorti de prison, après avoir fait valoir avec difficulté sa bonne foi, Bellicher va découvrir que son nom a aussi servi à couvrir le braquage d'une bijouterie à la voiture bélier, un faux et usage de faux en matière d'hypothèque et sans doute d'autres faits qui le mettent dans une situation plus que précaire.

Le voilà soupçonné de tous ces actes, privé de véhicule, de domicile, doté d'une avocate commise d'office qui n'a l'air de le croire que moyennement. A lui, maintenant, de comprendre comment on a pu lui voler jusqu'à son nom, jusqu'à son existence, jusqu'à sa vie.

Appuyé par un autre avocat, au CV bien plus prestigieux et au bras infiniment plus long que l'avocate de province qui l'a aidé à sortir de prison, protégé par un jeune homme qui n'a pas froid aux yeux, neveu de son principal collaborateur, Bellicher va saisir l'extrémité du fil d'Ariane que représente son identité pour essayer de remonter jusqu'à celui ou ceux qui lui ont joué ce vilain tour.

Mais, Bellicher va vite se rendre compte que sa situation ne peut aller qu'en empirant. Car son identité a "changé de mains", et voilà désormais qu'il pourrait bien basculer dans le camp des citoyens soupçonnés de terrorisme...

Alors qu'il découvre un monde qu'il n'imaginait pas, Bellicher finit par se dire que l'accident dont il a été témoin n'est peut-être pas étranger à ce qui lui arrive. Car, la victime de cet accident était un politique d'envergure, président d'une commission d'enquête parlementaire sur l'intégration. Dans un pays sous tensions raciales et religieuses depuis plus d'une décennie, Bellicher est sans doute tombé malgré lui tombé au milieu d'un champ de bataille aussi virtuel que les sites internet où il allait surfer, mais terriblement plus dangereux.

"Identité volée" met en lumière un fait de société en pleine expansion dans nos sociétés modernes, informatisées, virtuellement reliées : le vol d'identité. Comme le rappelle Den Tex, "toutes les deux secondes, quelque part dans le monde, un individu usurpe une identité ou ouvre un compte bancaire sous le nom d'une autre personne". Et le nombre de victimes de ce type d'acte double chaque année. Sans que ces pauvres gens, qui se retrouvent au centre d'affaires qui les dépassent complètement ou bien dépouillés de tous leurs biens, endettés et rejetés de tous, sachent véritablement quoi faire.

Au début du livre, que peut faire Bellicher, que toutes les preuves accablent ? Prouver qui il est ne ferait que renforcer les soupçons et sans identité, quelle crédibilité a-t-il ? Tout au long du livre, on se rend compte que nos identités ne valent plus grand chose dans un monde où l'informatique a pris le contrôle total de la société. Une société qui déshumanise : devant la police, devant les militaires qui voudront aussi l'interroger avec férocité, mais aussi lorsqu'il rejoint une association de victimes d'usurpations d'identité, son nom n'a plus de valeur, on lui préfère des sobriquets anonymes, un numéro ou une couleur...

Et tous les gens qu'ils croisent parce qu'ils connaissent ou ont connu la même situation sont formels : il n'y a rien de plus difficile que de faire valoir sa bonne foi, de prouver qu'on est bien soi et non l'avatar d'un voleur, d'un assassin ou encore d'un pédophile...

Enfin, si, dans sa forme, "Identité volée" reste un thriller d'un grand classicisme, il aborde également les maux qui gangrènent actuellement la société néerlandaise : une grande méfiance vis-à-vis des étrangers, et plus particulièrement s'ils sont de confession musulmane ; mais aussi une crainte omniprésente et oppressante du terrorisme.

Corollaire de tout cela : comment une démocratie doit-elle agir face à ceux qui, potentiellement, cherchent à la mettre en danger ? Armée, renseignements, police, mais aussi politiques se retrouvent obligés d'utiliser des méthodes peu compatibles avec nos sociétés occidentales. Ainsi, les militaires recourent-ils à des interrogatoires plus que musclés, proches de la torture, tandis que les politiques installent une commission chargée de donner un imprimatur à toute activité envisagée dans le pays par des personnes issues de l'immigration... Effrayant...

Au final, voici un thriller prenant, inquiétant car ultra-réaliste, qui pose beaucoup de questions sur nos modes de vie modernes, à la merci des bugs, des détournements numériques, des hackers mal intentionnés.

Et puis, il y a la question du terrorisme. Un sujet qu'on retrouve au centre de nombreux thrillers par ses côtés "spectaculaires", par la peur concrète qu'il suscite. Mais Den Tex, lui, joue avec cette menace qui pèse de nos jours sur nos sociétés occidentales. Une épée de Damoclès dont on finit par ne plus savoir vraiment si elle est réelle ou si elle est surtout agitée par certains, qui trouvent un intérêt à maintenir cette pression permanente.

"Identité volée", un thriller qui ne m'a pas transporté, car sans grande originalité narrative, mais tenu en haleine par les sujets qui le sous-tendent et les enseignements que l'on peut en retirer pour nos vies quotidiennes.

1 commentaire:

  1. Ce livre m'a été prêté et j'en remercie cette personne. C'est pour moi un thriller très original.

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