mardi 9 août 2011

Une Mère veille...

Voici un livre qui m'a beaucoup ému, je vous le dis tout de suite. Pourtant, on connaît son auteur, Isabelle Alonso, comme une des complices de Laurent Ruquier, grande gueule et volontiers hilare.

Mais, en décembre 2009, il lui est arrivé ce que nous redoutons tous un jour ou l'autre, perdre sa maman... Alors, pour exorciser, mais aussi pour revendiquer son amour filial et rendre hommage à cette femme qui reste au-delà de la disparition physique, elle a choisi d'écrire "Maman." (en grand format chez Héloïse d'Ormesson).



D'abord, 2 remarques sur la couverture : le titre, c'est "Maman." avec le point bien présent sur la couverture, comme une affirmation. On sait de quoi va parler le livre : d'une maman, point. La deuxième remarque, c'est la mention du mot roman. Car on s'attend plus à un témoignage, un récit, mais l'auteure (pour faire plaisir à la chienne de garde) a bel et bien choisi de romancer ce moment de vie. Dans quelle mesure ? C'est très difficile à dire, ce qui, pour moi, est l'une des qualités de ce livre.

Passons à la 4ème de couverture, avec cette phrase, que j'avais spontanément notée dans ma mémoire en vue de ce billet lorsque je l'ai lue dans le cours du récit : "Maman n'est jamais morte jusqu'à présent, ce n'est pas aujourd'hui qu'elle va commencer".

Mais plus que l'histoire d'un décès, c'est la relation d'une fin de vie, du déclin d'une personne qu'on a connue toute sa vie, qu'on a connue dans la force de l'âge et dont on voit, brutalement, puis inexorablement, la santé s'effriter jusqu'à l'extinction.

6 années où les enfants se préparent à l'inévitable, n'acceptant jamais l'inacceptable, mettant tout en oeuvre pour rendre ces moments le moins désagréables possibles, malgré les embûches et les angoisses quotidiennes, malgré la difficulté pour trouver les bonnes méthodes de prise en charge.

Depuis un infarctus en 2003, cette mère a accumulé les ennuis de santé, plus ou moins graves, plus ou moins handicapants, mais tous synonymes d'autonomie en voie de disparition. Pendant ces 6 années, ses 4 enfants ont assisté à cette lente agonie avec courage mais sans résignation. Des évènements qui ont encore resserré une famille déjà très unie autour de cette femme exemplaire.

Car, au-delà de la chronique de cette mort annoncée, Isabelle Alonso nous dresse le portrait de cette femme engagée, courageuse, au fort caractère mais qui a su abandonner ses ambitions et ses envies pour se donner toute entière à l'homme qu'elle aimait plus que tout et aux enfants qu'ils ont eus. Cette mère qu'on avait déjà découverte dans "l'exil est mon pays" et "fille de rouge", les précédents romans autobiographiques de l'auteure.

Attention, si ce livre est poignant, émouvant, si quelques larmes pourront perler à certains moments de votre lecture, ce livre est aussi le récit joyeux et haut en couleurs (celle de l'Espagne, pays d'origine de la famille, forcément) d'une famille pour qui fête et joie sont des mots qui ont un sens concret. Colère et révolte aussi, d'ailleurs.

On passe par toutes les émotions et la palette est large, on s'inquiète avec eux, on reprend courage avec eux, on est abattu avec eux et finalement, on est épouvantablement triste avec eux... En se posant cette effroyable et pourtant si nécessaire question : doit-on ressentir du soulagement quand, enfin, l'être tant aimé a trouvé ce repos dit éternel ?

J'ai appris à aimer cette Maman, je l'ai pleurée aussi, et je me dis que, le jour où je devrai gérer ce moment de vie si particulier, si intime et si douloureux, je serai bien démuni, moi le fils unique. Alors, j'espère me rappeler ce livre en m'en inspirer, même si je n'aurai pas de frères et soeurs à mes côtés.

Merci à Isabelle Alonso pour ce récit qui m'a comblé puisqu'il m'a apporté énormément d'émotions, ce que j'attends de toutes mes lectures. Merci aussi de sa dignité car nul voyeurisme dans ce témoignage, juste une manière de prolonger le lien avec cette maman tant aimée.

Un dernier mot : je rapprocherai ce livre de celui de David McNeil "Quelques pas dans les pas d'un ange" (Folio), où l'auteur évoquait dans le même registre son père, le peintre Marc Chagall. Un tout petit livre qui avait provoqué chez moi les mêmes émotions que le livre dont je viens de parler longuement.


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3 commentaires:

  1. Si tu as aimé, je te conseille Fille de rouge et L'exil est mon pays, les thématiques sont différentes mais tu retrouveras les mêmes personnages :).

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  2. J'avais lu et beaucoup apprécié "l'exil est mon pays", je lirai sans doute un jour "Fille de rouge", mais j'attends son prochain ouvrage qui sera consacré à son père et à sa vie très dure, en particulier pendant la Guerre d'Espagne. J'ai rencontré Isabelle Alonso à Metz, qui m'a dit que les interviews avec son père n'étaient pas tristes, qu'il n'était pas facile à épancher et que le livre, malgré ses thèmes dramatiques, risquait de ne pas engendrer la mélancolie...

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  3. Sur le même thème, à savoir la perte d'un parent (en l'occurence la maman) et de façon péoetiquement exquise et très émouvante, je conseille "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi" de Mathias Malzieu.

    Clairobscure.

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