jeudi 30 juin 2016

"Elle devait mourir pour ne pas mourir. Comme une mort de cinéma".

Le 5 août 1962, s'éteignait Marilyn Monroe, star des stars, sex-symbol absolu et actrice bien moins médiocre qu'on a voulu le faire croire. Une mort entourée de mystères, de rumeurs, de légendes, aussi, qui, plus d'un demi-siècle plus tard, continue d'intriguer... Sujet passionnant, mais sujet casse-gueule aussi, parce qu'on peut tout à fait basculer dans le grand-guignol si on s'y attaque. Philippe Laguerre s'est pourtant lancé ce défi et propose avec "Manhattan Marilyn" (publié aux éditions Critic), un thriller contemporain qui repose sur la fin de vie de l'héroïne de "Certains l'aiment chaud" et des "Désaxés". Paranoïaque et complotiste juste comme il faut, voici un thriller au rythme haletant, qui offre au lecteur quelques idées tout à fait intéressantes sur ce qui est arrivé entre le printemps et l'été 1962... Mais, en arrière-plan, on ne trouve pas Hollywood, mais bien New York, ville que Marilyn préférait nettement à Los Angeles.



Kristin Arroyo est une pure new-yorkaise, mais son père lui a légué ses gènes mexicains qui lui ont valu de connaître une jeunesse difficile. Même à Big Apple, on n'est pas à l'abri d'un racisme primaire et imbécile. Alors, devenue adulte, elle a fait le choix que font nombre de migrants pour pallier aux insuffisances du melting-pot : entrer dans l'armée.

Devenue officier des marines, elle est partie combattre en Irak et en Afghanistan. Revenue avec quelques cicatrices, dont une au visage, qui la complexe énormément, et d'autres blessures moins visibles, elle a vu son contrat au sein de l'armée non reconduit. La voilà donc libre, à un peu plus de 30 ans, de vivre sa vie comme elle l'entend.

Et, comme ce monde et la société américaine qu'elle retrouve ne lui plaisent guère, un de ses premiers gestes a été de s'engager au sein du mouvement "Occupons Wall Street". Lorsque le lecteur la rencontre, elle est d'ailleurs en train de manifester à Times Square, symbole du capitalisme US triomphant, avec ses publicités et ses écrans géants.

C'est alors qu'elle fait une rencontre tout à fait inattendue : elle est interpellée par un homme qui veut la prendre en photo. Nathan Stewart est tombé sous le charme de la jeune femme et propose de la suivre, de prendre divers clichés d'elle et, si elle est d'accord, de monter une exposition dans une galerie de la ville autour de ces images.

Avouez qu'on peut se sentir surpris. D'autant que Kristin ne s'est jamais considérée comme une belle femme. Après quelques hésitations, elle accepte finalement de jouer le jeu et de devenir l'image centrale d'une exposition, prévue quelques semaines plus tard. Entre le photographe et elle, le courant passe bien.

Mais surtout, cette rencontre réveille un souvenir dans l'esprit de Kristin : son grand-père était lui aussi photographe et elle a récupéré pas mal de cartons lui appartenant dans lequel elle n'a jamais pris le temps de mettre le nez. L'occasion est belle de réparer cet oubli. Et elle ne va pas le regretter, car elle va faire, par hasard, une étonnante découverte.

Des photos de Marilyn Monroe, en personne ! Des photos qui, selon Nathan, sont probablement inédites ! Et si l'exposition à venir associait les deux femmes, la blonde Marilyn et la brune Kristin ? L'ancienne militaire n'en revient pas de cette idée, s'imaginant mal associée à une telle icone, mais, finalement, elle va se rendre aux arguments du photographe.

L'exposition est un succès, sans doute en raison de ces photos de Marilyn, se dit Kristin. Avec la présence d'un des grands responsables de la Fondation Monroe. Michael Pear est un homme riche, amoureux de la star au point d'avoir intégré cette fondation chargée de gérer son image. Mais, le philanthrope est aussi tout ce que Kristin combat, alors l'ambiance devient électrique...

Mais ce n'est rien à côté de ce qui va suivre... Car, peu de temps après l'exposition, la jeune femme va être la cible de tueurs et va devoir retrouver tous ses réflexes de soldat pour leur échapper. Mais que lui veut-on ? Les photos de son grand-père pourraient-elles être la raison de ces attaques ? C'est avec l'aide de Michael Pear qu'elle va essayer de comprendre...

Les thrillers reposant sur des courses poursuites, on en lit souvent quand on aime ce genre-là. C'est toujours très visuel, très prenant, très hollywoodiens, aussi, avec des voitures dont les pneus crissent, qui s'encastrent ou font des tonneaux, des personnages qui courent, courent, courent, ou encore, des fusillades avec des gens qui tirent super mal...

Bon, je caricature un peu, c'est vrai. Philippe Laguerre reprend évidemment ces codes obligatoires, et les installe au coeur de New York, cadre unique de ce roman, mais New York n'a rien d'une unité de lieu, tant la ville est étendue et diverse. On sent l'amour que lui porte l'auteur, qui nous entraîne dans bien des lieux remarquables de cette cité.

Avant "Manhattan Marilyn", Philippe Laguerre avait déjà choisi de faire de New York le décor d'un de ses livres : "Manhattan Ghost", une nouvelle (fantastique, j'espère ne pas dire de bêtise) que son fils, Mickaël, avait illustrée de photos de Big Apple. Il y revient donc cette fois avec un thriller qui juxtapose la ville mythique et la star des stars, Marilyn...

Puisque je parle de l'auteur, allez, je lève le voile, il ne m'en voudra pas... Sachez que Philippe Laguerre est déjà présent, et plus d'une fois sur ce blog. Pas sous ce nom qui, sauf erreur de ma part, est son véritable patronyme, mais sous son habituel nom de plume : Philippe Ward. Pas de dieux égyptiens ou de culture basque, cette fois, mais un pur thriller dont j'ai trouvé l'argument tout à fait intéressant.

Les années 60 aux Etats-Unis, les questions mafieuses sous la présidence Kennedy, les magouilles diverses et variées et les assassinats plus ou moins discrets, c'est un terrain de jeu que connaissent bien les lecteurs de James Ellroy, qui en a fait son pré carré. Philippe Laguerre n'entre pas dans une concurrence frontale, puisque nous avons un thriller contemporain et non un roman noir historique.

Mais, les sujets qui sous-tendent l'histoire de "Manhattan Marilyn" n'ont finalement pas grand-chose à envier à l'auteur de "LA Confidential". En s'emparant des légendes et des mystères qui entourent la mort de Marilyn, Philippe Laguerre prend un risque car c'est un sujet dont tout le monde a entendu parler et sur lequel beaucoup ont des idées, des opinions.

Et le risque, c'est aussi de jouer avec la théorie du complot, de taquiner la paranoïa du lecteur. Une affaire de funambule, car l'auteur se retrouve sur le fil. Depuis Dan Brown, on sait très bien que ce genre-là peut vite tourner au grand n'importe quoi si on n'y prend pas garde. Et puis, dans le cas présent, il faut trouver un truc suffisamment solide pour surprendre sur un sujet vu et revu.

Pour moi, dans ce domaine, le pari est réussi. Car ce qu'a imaginé Philippe Laguerre est tout à fait intéressant. On reste dans le domaine du thriller et donc de la fiction, on a le droit de ne pas y croire une seconde, d'avoir son point de vue personnel sur les causes de la mort de Marilyn et même, des circonstances de cette mort.

Mais, j'ai trouvé que l'intrigue de "Manhattan Marilyn", en jouant à contre-pied avec bien des idées en vogue concernant cette nuit du 5 août 1962, proposait quelque chose de tout à fait passionnant. D'autres lecteurs estimeront peut-être que l'auteur va trop loin, pas moi, je trouve au contraire qu'il a eu raison d'aller au bout de son idée.

Oh, il y a un élément dont on se doute rapidement, c'est vrai. Mais reste à découvrir comment il va intervenir dans le roman et comment tout va s'agencer autour de ce fait fondamental. Le reste, ce sont les codes du genre, à qui faire confiance ? Qui sont les assassins ? Pourquoi Kristin doit-elle être éliminée ? Comment déjouera-t-elle les plans de cet ennemi surpuissant ? Etc.

On se prend au jeu, au rythme de ce livre qui tient en haleine jusqu'au bout et on en a pour son argent, si je puis dire. Rien ne manque, ça court, ça roule, ça freine, ça carambole, ça flingue, ça zigouille, ça menace, ça feinte, ça trahit, ça se renverse, ça révèle... Bref, tout ce qu'on attend de ce genre de livres et qui vous offre, au final, un bon divertissement.

Et les codes, Philippe Laguerre les utilise jusqu'au bout, en fabriquant un tandem improbable entre Kristin Arroyo, la militante alter-mondialiste, et Michael Pear, le philanthrope plein aux as. L'alliance de la carpe et du lapin qui va se révéler très efficace, même si rien ne sera simple, on s'en doute. Mais, chacun ses ressources pour juste essayer de se sortir du cauchemar...

Avec un personnage féminin qui est le moteur de ce couple central, et non le faire-valoir, c'est toujours intéressant de souligner ce qui n'est pas qu'un détail. D'ailleurs, Kristin forme un autre duo avec Marilyn, ne l'oublions pas, l'idée de les associer dans l'exposition photo créant un lien entre ces deux femmes, dont l'ancienne militaire se serait certainement passée...

Amusant, d'ailleurs, de voir à quel point Kristin et Marilyn sont différentes, et pas seulement dans le physique ou la perception qu'on peut avoir de leurs caractères, mais aussi dans le rôle qu'elles occupent dans la société, à cinquante ans et quelques d'intervalle. Avec, pourtant, à chaque fois, ce même soupçon de dédain avec lequel on les considère parce qu'elles sont femmes...

Kristin est le personnage central du roman, Marilyn en est un fil conducteur, mais les deux femmes sont les cylindres principaux qui font fonctionner le moteur de ce thriller. A Kristin de dissiper le mystère qui entoure Marylin depuis si longtemps, mais aussi ce que tout cela dissimule... Comme si la blonde platine passait le relais à l'ex-militaire, dans un même engagement pour changer le monde.

Je ne vais pas aller plus loin dans ce billet. A vous de vous faire une idée sur ce thriller qui utilise des outils assez classique, ne révolutionne pas le genre mais fait passer au lecteur un agréable moment. Avec, j'insiste là-dessus, une excellente idée centrale qui est très bien exploitée. Et je me demande même s'il n'y aurait pas comme une ouverture dans les dernières lignes vers une nouvelle aventure mettant en scène Kristin...

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